Alimentation

Plaisir de manger ?

J'ai été très surprise par l'apparition d'une affiche sur les murs de Paris, qui pour une fois, donnait à penser. Elle a d'ailleurs disparu très vite ... La voici
Que nous dit-elle ?
Un premier ensemble de messages :
  • On peut être beau ou belle, et manger à satiété.
  • Manger un mets sans apprêts, sans sauce, sans gras, est une bonne chose. L'affiche nous renvoie aux slogans : "Evitez de manger trop gras, trop salé, trop sucré ...", "Mangez 5 fruits et légumes par jour ..." 
  • Tu peux être belle et consommer. La question qui se pose alors c'est : consommer quoi ?
Mais elle dit aussi :
  • Plus tu es belle et apprêtée, plus tu as des difficultés avec ta nourriture : le poisson reste coincé dans l'ouverture du corps, ici la bouche. Ça ne passe pas. On se demande même si la bouche ne va pas faire le mouvement inverse, et propulser le poisson vers l'extérieur
  • Le poisson cru, c'est bon, quand il est préparé. mais qui aurait envie de l'ingurgiter ainsi avec les écailles, les yeux, et le reste ? Cela pose la question du "naturel" : ce serait quoi ? La bouche maquillée, et le poisson cru sans sauce? Ou l'inverse ? 
  • Réapprendre à manger, c'est bien, réapprendre à consommer, c'est mieux. S'agit-il d'un mets, ou d'une consommation sexuelle, à peine voilée compte tenu de la forme et du symbolisme du poisson (4 par 3 dans les rues oblige !). D'ailleurs, cette campagne s'appelle "Tu veux ou tu veux pas ?" - "Pas ce soir chéri, j'ai la migraine ..."
Il se trouve que cette image fait partie d'un ensemble, que voici :
Trop, c'est trop. La nourriture, en excès, décidément, devient souffrance, torture, laideur. Mais quel vide sidéral faut-il remplir alors que le teint de pêche et que la bouche, toujours très soigneusement maquillée, très sophistiquée recherchent l'absolu de la beauté ? C'est un viol qu'on nous montre. Nous voilà ramenés au sexuel.

A l'inverse, voici la version minimaliste de l'alimentation. Cette image me fait penser à un conte bien connu "La princesse au petit pois" (pour ceux qui ne connaîtraient pas l'histoire voir http://feeclochette.chez.com/Andersen/pois.htm), mais aussi à l'expression "Il (elle) a un petit pois dans le cerveau" pour dire le peu de cas que l'on fait de l'intelligence de la personne. On sait bien qu'il "faut souffrir pour être belle" et qu'on ne peut pas être à la fois beau et intelligent.
Le bleu et le vert évoquent pour moi le froid, la solitude, la souffrance et l'angoisse de la privation
Nous revoilà dans l'extrême inverse, mais les légumes verts, contrairement aux frites, c'est bon pour la santé, tout le monde le sait ... La bouche, lèvres écartées, comme une vulve béante, violée, dans laquelle les publicitaires enfournent des tonnes de nourriture.
Ici, je ne vois pas bien ce que représente l'image, mais la bouche exprime la souffrance, elle a mal. La couleur violacée de la bouche m'évoque l'inflammation des chairs et à nouveau le viol.
Qu'est-ce qui est déchiré comme ça, on dirait du tissu, du papier ou des pétales de fleur ... Souffrance de la déchirure intérieure vécue par celle qui tente d'être conforme aux canons de la beauté ?
La bouche devient presque difforme, la lèvre inférieure présente des pustules, des excroissances, en forme de pétales, ou d'ongles, même peut-être de vers translucides vers le bas. Tentative de transformer le trou qu'est la bouche en protubérance, de se doter d'une arme ? Ou bien est-ce la souffrance du vomissement ?
Maintenant la bouche est devenu un O. Bouche ou anus ? Histoire d'O ? Les couleurs chatoyantes des bonbons et du maquillage nous amènent aux paradis artificiels. La nourriture comme drogue ? Pour oublier quoi ? Ou bien les substances, quelles qu'elles soient en lieu et place de la nourriture ?
C'est de pire en pire, la bouche s'agrandit encore pour un viol ou une torture. Là aussi, une impression de froid se dégage du maquillage, comme recouvert de givre, à moins que cela soit du sucre, ce mal-aimé, ce grand satan. Occupée à enfourner des tonnes de nourriture ou obligée de le faire, prend-elle le temps d'aimer ? En a-t-elle la possibilité, s'en donne-t-elle la permission ?
L'olive a remplacé le petit pois. Est-ce la taille de ses seins, réduits à celle d'une olive, grâce à l'anorexie ? Mais là non plus, même l'olive ne passe pas. La tête, renversée, pourrait cracher l'olive et enfin hurler à la mort son angoisse et sa solitude devant la vie et le fait de devenir une femme. Cette photo me fait penser aux deux personnages situés de part et d'autre de Guernica.
Guernica (Picasso)
Et encore pire,

Le cri, Edvard Munch
Ces commentaires sont simplement mes réactions spontanées devant ces images, à la fois belles et terrifiantes.



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